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Interviews

Phil Burt : « un livre qui sert d’interface entre l’humain, adaptable, et le vélo, ajustable. »

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Physiques Performance publie Vélo : préparation, prévention et performance, le livre de l’Anglais Phil Burt, véritable bible de l’ajustement du vélo pour réduire le risque de blessure et maximiser le potentiel des cyclistes de tous niveaux. Kinésithérapeute en chef, pendant plus de dix ans, de British Cycling et Team Sky (devenue, cette année, Team Ineos), Phil Burt a participé à trois éditions de Jeux Olympiques et sept Tours de France. Passionné par le rapport ergonomique entre le cycliste et sa machine, il nous explique pourquoi il a écrit ce livre et sur quelle vision de la prévention des blessures il repose.

 

Phil, tu as publié ton ouvrage intitulé Bike Fit en anglais, en 2012. Pourquoi ?

Quand j’ai commencé à travailler dans le cyclisme, je me suis vite rendu compte que les blessures y étaient très différentes que dans d’autres disciplines sportives comme le rugby, le football ou l’athlétisme. Les forces mises en jeu sont moins importantes en cyclisme, notamment les forces excentriques, quasiment absentes, qui endommagent le plus les muscles. Mais le réglage du vélo, des chaussures, des pédales, de la selle et de sa hauteur, etc., a un impact très important sur les blessures des cyclistes, celles au genou notamment. Or il n’y avait pas de guide ou de méthode pour savoir comment bien ajuster un vélo. À cette époque, il n’existait aucun livre dans le monde qui puisse m’aider. Quelques années plus tard, après avoir développé ma propre approche, je suis allé voir un éditeur en lui disant qu’il y avait un besoin, qu’il fallait produire un guide « d’auto-réglage » (avec une fenêtre d’ajustement plus ou moins importante selon les profils) pour les gens qui ne pouvaient s’offrir un ajustement avec un professionnel mais voulaient remédier par eux-mêmes aux blessures que générait leur pratique du cyclisme.

 

 

Qu’est ce qui vous a amené à traduire ce livre en français  ?

Une rencontre. En 2016, Del Moral Benjamin (préparateur physique au Lou rugby) est venu nous rendre visite avec David Ellis (entraîneur) que je connais bien, avec Benjamin nous nous étions déjà croisé quelques années auparavant lorsque j’étais kinésithérapeute en rugby à Gloucester et lui entraînait au Stade Français Paris.  Nous avons donc parlé rugby et surtout échangé sur le fonctionnement de British Cycling, le management de Dave Brailsford chez la Team Sky et je lui ai naturellement parlé de mon livre. Il m’a dit que ce livre rentrait dans la ligne éditoriale de sa société qui accorde une place prépondérante à la prévention des risques de blessure dans le sport. Je l’ai ensuite mis en relation avec la maison d’édition Bloomsbury Publishing pour les droits de traduction. Et 3 ans plus tard le livre sort en français !

 

 

Comment étais-tu arrivé dans le cyclisme ?

Par hasard. J’adore le vélo. Et, en tant que kinésithérapeute, j’ai toujours été très intéressé par l’interaction entre le vélo et la personne qui l’utilise, ou, dit autrement, par le mariage entre l’humain, qui est adaptable, et le vélo, qui est ajustable.

 

Quelle est ta vision de la prévention des blessures ?

Chaque personne dispose de ses propres fondations. Imaginez un triangle. Tout en haut de ce triangle, au sommet, vous avez le plus haut point de performance que vous pouvez atteindre. Si la base de votre triangle, vos fondations, est étroite et que vous entreprenez un entraînement de pointe pour tendre vers une performance de haut niveau, le triangle est bien moins stable qu’avec une base large. Et la base, ce sont vos fondamentaux, la force, l’endurance, la souplesse, votre aptitude et votre capacité à absorber les forces externes, à accomplir de bons mouvements bien contrôlés. Si, donc, vous vous lancez dans un entrainement de pointe sur une base étroite, à savoir des mouvements mal réalisés, un mauvais contrôle et peu de souplesse, c’est là, selon moi, que vous vous exposez à la blessure. Élargir sa base, c’est réduire le risque de blessure.

 

Ta démarche consiste donc à développer le potentiel du sportif pour réduire son nombre de blessures ?

Ma philosophie n’est pas simplement de réduire le nombre de fois où vous êtes blessé. Ce serait considérer le problème d’une perspective, à mon sens, négative. Ma façon de voir les choses est de considérer comment on peut augmenter le temps disponible d’entraînement pour ensuite être meilleur en compétition. Car, à chaque fois que vous êtes blessé ou que vous souffrez de douleurs, vous ne vous entrainez pas. La différence entre les deux points de vue est ténue mais considérer le temps d’entraînement disponible est bien plus positif. Vous pouvez alors mettre ce qu’il faut en place pour atténuer le risque de blessure.

 

 

Comment procèdes-tu pour évaluer le potentiel d’un sportif ?

J’adopte une posture très ouverte et j’analyse les taches qu’il doit réaliser. C’est la base à partir de laquelle, ensuite, je travaille : de quoi avez-vous besoin pour réaliser ce qui vous est demandé, que ce soit du saut à la perche ou du vélo, et en quoi cela vous expose-t-il, vous particulièrement, en termes de blessures. La meilleure manière de parvenir à un bon diagnostic est d’utiliser des tests fonctionnels comme le Functionnal Mouvement Screening (FMS) par exemple.

 

La recherche scientifique est-elle un allié du monde du sport sur le terrain ?

La recherche académique permet de valider des méthodes, des principes, en apportant des preuves. Mais avec l’équipe olympique de Grande-Bretagne, nous avions pris l’habitude de considérer que la recherche avait cinq ans de retard sur ce qui se passait sur le terrain. Car pour être compétitif, vous avez besoin d’expérimenter des choses qui ne l’ont jamais été auparavant et vous ne pouvez pas attendre que le monde académique ait prouvé l’efficacité de tel ou tel procédé d’entraînement. D’autant qu’une fois les preuves apportées, le monde académique étant ouvert sur le monde, tous vos concurrents ont la même information et vous n’êtes plus en avance sur quiconque.

 

Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre métier ?

Améliorer les performances et prévenir les risques de blessures. Aujourd’hui, je travaille avec des gens « ordinaires » et j’adore ça. J’ai cessé de  collaborer avec l’équipe de Grande-Bretagne et Team Sky. J’ai vécu des expériences extraordinaires, dans les plus grands événements comme les Jeux Olympiques, aux côtés des meilleurs athlètes et cyclistes au monde mais ce que j’aime désormais, oui, c’est travailler avec des gens ordinaires. Améliorer de 2% la performance aérodynamique de Bradley Wiggins en contre-la-montre a permis de faire la différence entre la médaille d’or et la médaille d’argent mais on peut améliorer de 20% les performances des gens qui ont une nature plus commune. C’est passionnant. J’aide aussi les entreprises à produire de meilleurs accessoires de vélo, cuissards, selles, etc. Bref je me régale tous les jours pour trouver des solutions permettant aux gens de continuer à faire du sport en préservant leur intégrité physique et ça c’est le plus important !


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