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Interview Martin Buchheit

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martin-buchheitPréparateur physique Multi-facettes… à la fois scientifique et homme de terrain. Découvrez en exclusivité sur le blog de Physiques Performance l’interview de Martin Buchheit, l’auteur du test intermittent 30-15IFt

Pourriez-vous vous présenter et expliquer votre cursus de formation ?

Tout d’abord, je tiens à préciser que je suis depuis mon adolescence un passionné de sport et d’entraînement. J’ai eu plusieurs « révélations » assez jeune qui m’ont poussé à faire ce que je fais aujourd’hui. La première date du collège, lorsque notre professeur d’EPS nous a expliqué qu’à partir du test navette de Léger, on pouvait individualiser le travail d’endurance au programme de l’année ! Dès lors, j’ai commencé à réfléchir et à m’intéresser à l’entraînement et surtout à sa prescription. Ensuite, je suis rentré en Sport étude handball à Strasbourg avec Pierre Mangin; j’ai pris un plaisir inimaginable… et pas que dans le hand, mais au travers de la préparation physique en général. En parallèle de ces années de Sport étude, j’avais la chance de passer mes étés à Tignes où j’ai rencontré un passionné comme moi, Sebastien Carrier, et les jeunes skieurs du Club des Sports de Tignes, coachés entre autre, par Jean Louis Mougeot, Thierry Blanc et Olivier Pedron. Le contraste et la complémentarité des approches handball/ ski ont été très enrichissants et formateurs. Impossible de faire autre chose que STAPS mention entraînement à la sortie du Baccalauréat. Puis cela s’est enchainé : j’ai alors suivi l’équipe de Schiltigheim Handball (Nationale 2) en préparation physique avec Bruno Boesch, de très loin le coach avec qui j’ai eu le plus d’interactions. J’ai aussi fait des interventions pour les clubs de tennis et de basketball de la région, et collaboré à la préparation physique du SC Sélestat handball en Ligue 1 avec Alain Quintallet (Equipe de France de handball aujourd’hui). Avec ce dernier, Michel Dufour (l’UFR STAPS et Racing Club de Strasbourg) et mon ami Claude Karcher, nous avons eu dans le années 2000, des discussions passionnées et sans fin dans ce domaine. J’ai alors enchaîné en parallèle de mes diplômes STAPS (Master entraînement) et 2 D.U de préparation physique ( Strasbourg et Lyon), mon Brevet d’Etat de Handball, des études de physiologie (Doctorat) et de statistiques (DU).

 

– Quel chemin vous a conduit de la préparation physique en Ligue 1 de Handball au poste de physiologiste de l’exercice au sein de l’Académie des Sports d’ASPIRE au Qatar ?

En 2003, avec mes diplômes en poche et les bons résultats avec la Nationale 2, j’ai pris en charge la préparation physique du SC Sélestat handball (Ligue 1) avec François Berthier comme entraîneur. En 2005, j’ai obtenu un poste de Maître de conférences à l’Université d’Amiens. Cela m’a permis d’enrichir mes compétences dans le domaine de la recherche, mais cela m’a éloigné un peu du haut niveau au quotidien. J’ai donc dû quitter le SC Sélestat handball en 2006. J’ai cependant gardé un pied dans l’entraînement avec les pôles handball d’Amiens, et pu toucher aux différents sports collectifs Picards aux travers de projets ponctuels avec des étudiants (football, hockey, basket-ball). Quand j’ai entendu parler d’une opportunité de poste à Aspire, j’ai compris que c’était la place qu’il me fallait : davantage dans la préparation physique qu’à l’université, et pour une recherche directement appliquée au quotidien, avec des sportifs de haut niveau.

 

 

– En quoi consiste votre travail à l’Académie d’ASPIRE ?

Je travaille depuis 2009 au sein de l’Académie d’ASPIRE à Doha au Qatar. Je collabore avec un autre physiologiste Espagnole, Alberto Mendez-Villanueva , qui comme moi, est salarié à temps-plein dans la structure. Ensemble, on ne cesse d’affiner notre approche et nos lignes de recherche pour optimiser les contenus des séances d’entraînements. Je ne suis donc plus préparateur physique à proprement parlé car je n’ai que peu d’interventions sur terrain, mais je reste présent à chaque moment pour tester les joueurs, analyser les pratiques et conseiller chacun. Mon travail consiste à observer et calibrer des entraînements et des rencontres à l’aide d’outils de pointe (GPS, mesure d’oxygénation musculaire portable, électromyographie portable, etc.). Je mène également des expérimentations précises avec les jeunes footballeurs de l’Académie comme « sujets » sur le terrain et non en laboratoire, pour répondre à des questions clefs d’entraînement. Exemples de questionnement auquel nous devons apporter des réponses : Faut-il développer les qualités physiques à tout prix ? Comment affiner le travail au poste pour les attaquants ? Comment adapter les séances d’intervalle dans les chambres en hypoxie ? Quelle est la meilleure méthode de récupération après les matchs en fonction de la maturation des joueurs ? Comment améliorer les qualités de vitesse chez les plus jeunes ?
On arrive aussi à mettre en place des projets de grande envergure qui ne pourraient pas exister ailleurs : dernièrement nous avons testé les effets de l’entraînement dans des conditions de température élevée (type canicule), ou encore les effets d’un stage en altitude simulée dans notre chambre hypoxiques (la nuit)… Tous ces travaux de recherches et expérimentations pratiques sont ensuite publiées dans des revues scientifiques internationales, et m’amènent à intervenir dans divers congrès ou colloques.
Mon métier est passionnant actuellement même si il manque en revanche au quotidien le contact du très haut niveau. Mon implication en parallèle avec certaines structures professionnelles (membre de la cellule de recherche de la FFF et consultant pour Carlton FC, un club d’Australian Rule Football, basé à Melbourne) compense un peu ; ainsi, l’équilibre n’est pas trop mal au final !

 

 

– Pouvez-vous nous parler de la composante « Sports Science » très importante à l’étranger et peu connue en France ?

« Sports Science » sont un peu les mots magiques en ce moment… comme si tout devait passer par là. Les Australiens étaient les précurseurs, ensuite certains clubs de football en Angleterre et au Brésil ont suivi le modèle… ça arrive doucement en France, notamment au PSG par exemple, avec Nick Broad. Et c’est aussi exactement ce qu’on a mis en place à Aspire. Le concept est simple : donner du rationnel aux contenus d’entraînement avec des mesures et des chiffres dopés à la technologie, et se baser sur des évidences et des statistiques plutôt que des croyances ou des ressentis. L’approche se veut scientifique car on essaie de « normer » : quantifier les contenus de séances et les charges d’entraînement pour mieux comprendre, prévoir et planifier. Quand ces données sont utilisées à bon escient, et que le coach dirige et reste l’ultime décisionnaire, je crois définitivement en l’apport des « Sports Science » en complément. En revanche, il faut savoir quoi faire de ces données et il faut faire attention de ne pas faire confiance qu’aux chiffres, car on sait bien que l’entraînement n’est pas une science exacte et que rien ne remplacera jamais le feeling de l’entraîneur. On a tous des exemples de joueurs qui sur le papier ne sont pas au top de leur forme et qui réalisent pourtant des performances exceptionnelles pour d’autres raisons bien moins quantifiable au GPS (motivations, sens du jeu, etc…).
– Selon vous, quelles vont être les principales évolutions en préparation physique dans les dix prochaines années ?
Le préparateur physique d’aujourd’hui doit être autant coach que préparateur physique car il doit pouvoir, soit intégrer les contenus de préparation physique dans le jeu avec cohérence et pertinence, soit au moins comprendre les exigences des situations techniques pour en ressortir les manques et les combler par le travail associé/dissocié. Un bagage « Sports Science » est évidemment nécessaire pour lui permettre de faire l’interface entre le staff technique et les ressources technologiques et scientifiques.

 

 

– Comment voyez-vous votre avenir professionnel ?

Ce que nous avons mis en place à Aspire reste aujourd’hui ma référence. La prochaine étape pour moi serait de transposer ce que nous faisons ici à Doha dans un grand club européen ou une fédération de grande envergure, en France ou à l’étranger.

 

 

Un grand Merci à Martin Bucheitt pour cet interview, pour en savoir plus sur lui et ses travaux ; cliquez sur le lien suivant : http://www.martin-buchheit.net/


Une réponse à “Interview Martin Buchheit”

  1. habibi dit :

    Article de qualité qui donne un bon aperçu de la prépa physique et de son évolution. Il nous montre aussi les diverses facettes que peut recouvrir la prépa physique et l’importance qu’il revêt aujourd’hui notamment dans le sport de haut niveau qui ne peut plus faire l’économie de données scientifiques qui doivent être mises au service des athlètes.

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